Traduire, c’est toujours un peu trahir. Mais un traducteur a-t-il le droit de changer carrément le sens d’une phrase parce qu’elle lui semble peu logique, de la modifier ou de la supprimer parce qu’elle risque de ne pas être suffisamment « politiquement correcte » à notre époque, ou pour tout autre raison ? Pour moi, de tels procédés pourraient même s'apparenter à de la malhonnêteté intellectuelle, certes involontaire. Il n'en demeure pas moins que telles modifications devraient au moins être signalées et expliquées par des notes en bas de page.
Exemples tirés de La Cousine Bette de Balzac (en allemand Tante Lisbeth)
»Sehr verehrte Frau Baronin!
Herr von Hulot hat vor zwei Monaten in der Rue des Bernardins bei einer gewissen Clodia Chardin, einer Spitzenstopferin, gewohnt. Das war die Nachfolgerin von Olympia Bijou. Aber er hat auch sie wieder verlassen, ohne ihr vorher ein Wort zu sagen, und kein Mensch weiß, wohin er gegangen ist. Einige Sachen hat er bei ihr zurückgelassen. Trotzdem habe ich den Mut nicht sinken lassen und einen Menschen in Dienst genommen, der nach ihm forscht. Dieser Mann behauptet bereits, ihn einmal auf dem Boulevard Bourdon wiedergesehen zu haben. Ich werde mein Ihnen gegebenes Wort halten.
In größter Hochachtung bin ich immerdar
Ihre ganz gehorsamste Dienerin
Josepha Mira.«
"Madame la baronne,
M. Hulot vivait, il y a deux mois, rue des Bernardins, avec Élodie Chardin, la repriseuse de dentelle, qui l’avait enlevé à Mlle Bijou ; mais il est parti, laissant là tout ce qu’il possédait, sans dire un mot, sans qu’on puisse savoir où il est allé. Je ne me suis pas découragée, et j’ai mis à sa poursuite un homme qui déjà croit l’avoir rencontré sur le boulevard Bourdon.
La pauvre juive tiendra la promesse faite à la chrétienne. Que l’ange prie pour le démon ! c’est ce qui doit arriver quelquefois dans le ciel.
Je suis, avec un profond respect et pour toujours, votre humble servante,
Josépha Mirah."
La phrase en gras est importante. Josépha est une prostituée qui a contribué à ruiner le mari de la baronne. La vertu et la grandeur d’âme exceptionnelle de la baronne l’ont impressionnée. A sa demande, elle va l’aider à retrouver le baron qui a disparu. La baronne lui a dit qu’elle prierait pour elle. Cette rencontre entre une "sainte" et une femme avide et dépravée est un moment très fort dans le récit de Balzac.
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Mort de la baronne
Trois jours après, la baronne, administrée la veille, était à l’agonie et se voyait entourée de sa famille en larmes. Un moment avant d’expirer, elle prit la main de son mari, la pressa et lui dit à l’oreille :
— Mon ami, je n’avais plus que ma vie à te donner : dans un moment, tu seras libre, et tu pourras faire une baronne Hulot.
Et l’on vit, ce qui doit être rare, des larmes sortir des yeux d’une morte*. La férocité du vice avait vaincu la patience de l’ange, à qui, sur le bord de l’éternité, il échappa le seul mot de reproche qu’elle eût fait entendre de toute sa vie.
Le baron Hulot quitta Paris trois jours après l’enterrement de sa femme. Onze mois après, Victorin apprit indirectement le mariage de son père avec Mlle Agathe Piquetard, qui s’était célébré à Isigny, le 1er février 1846.
— Les ancêtres peuvent s’opposer au mariage de leurs enfants, mais les enfants ne peuvent pas empêcher la folie des ancêtres en enfance, dit maître Hulot à maître Popinot, le second fils de l’ancien ministre du commerce, qui lui parlait de ce mariage.
Drei Tage darauf kam ihr letztes Stündlein. Unmittelbar vor ihrem Verscheiden faßte sie die Hand ihres Mannes, drückte sie noch einmal und flüsterte ihm leise zu:
»Mein Lieber, ich gebe dir das Letzte, mein Leben. Einen Augenblick noch, und du bist frei. Dann kannst du eine andere zur Baronin Hulot machen!«
Man sah, was bei Sterbenden selten ist, Tränen in ihren Augen*. Die Grausamkeit der Sinnenlust hatte die Geduld eines Engels vernichtet. Am Rande des ewigen Nichts entschlüpfte der demütigen Frau das erste und einzige vorwurfsvolle Wort ihres ganzen Ehelebens.
Drei Tage nach ihrer Beerdigung verließ der Baron Hulot Paris, und etwa ein Jahr später erfuhr Viktor zufällig, daß sein Vater am 1. Februar 1846 in Isigny Fräulein Agathe Piquetard geheiratet hatte.
*Cette modification est absurde. Qu’une mourante pleure n'est pas rare du tout. Ici les larmes surprenantes de la baronne déjà morte témoignent de son long martyre de femme trompée et ruinée par un mari volage. Un traducteur n'a pas à corriger, par souci de vraisemblance, ce qu'a écrit l'auteur !
Et pourquoi supprimer la dernière phrase, que je trouve amusante et intéressante, de façon aussi cavalière ?