On s’emploie avec raison à sauver toutes sortes d’espèces d’oiseaux, d’insectes, d’arbres, de plantes, de grosses et de petites créatures bien vivantes mais menacées de disparition. Des mots, eux aussi, pour d’autres raisons que la chasse, la pollution et l’argent, meurent...
Ce ne sont pas seulement des mots qui meurent, mais des centaines de langues ...
Alors, par comparaison, quelle importance que quelques mots d’une langue vivante et robuste comme le français s’évanouissent dans la nature ? ...
Sauf que c’est ennuyeux et regrettable qu’une langue s’appauvrisse, qu’elle perde du goût, des couleurs, du sens, de l’exactitude ...
Ces disparitions ne menacent pas son existence ni sa santé. Mais qui l’aime, qui la caresse, qui en apprécie les bizarreries comme les beautés ... se désole d’en voir disparaître des fragments ...au fil des jours, des années.
Au fait, pourquoi tant de mots passent-ils de vie à trépas ?
Parce qu’ils ont vieilli, parce qu’ils sont vieux, parce qu’on les utilise de moins en moins et qu’à la fin, comme les collaborateurs âgés dans les entreprises, ils sont mis à la retraite, remerciés, expulsés et voués à l’oubli. (Bernard Pivot)