Lien Web à lire absolument pour résumer les cas évoqués précédemment !
Tout est expliqué, y compris l'origine latine.
La semi-négation « ne ».
Grammaticalement, l’adverbe « ne » ne suffit pas pour signifier une négation... Cependant, s’il peut, en certains cas, être absent ..., il est rarement employé seul en vue d’une négation, contrairement à « pas ». Il persiste cependant :
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- Dans d’anciennes formules probablement elliptiques – « rien » (neutre) semble fréquemment sous-entendu -- et conservées telles quelles :
« Il n’empêche que... » (rien n’empêche)
« Qu’à cela ne tienne... » (que rien ne tienne à cela)
« À Dieu ne plaise... » (que rien [de cela] ne plaise à Dieu)
« Il n’en a cure. »
Ces locutions sont construites principalement avec des verbes utilisés en mode « impersonnel », dans un sens absolu.
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- Avec des verbes courts (souvent limités à 2 syllabes) et généralement suivis d’une infinitive :
« Je n’ose y penser »
« Je ne puis le faire »
« Je ne saurais vous le dire »
Ce qui semble apporter, par une sorte d’allégement de la négation, une connotation, selon le sens du verbe, d’appréhension, de résignation, de doute, etc.
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- Dans des constructions hypothétiques, où on ressent, alors que l’emploi en solitaire de la semi-négation n’est pas syntaxiquement obligatoire, une nuance d’hésitation ou de réticence :
« nul doute qu’il ne s’en rendit compte »
« si je ne m’abuse... » … bien qu’ici, on ne sache pas toujours expressément si ce verbe est au subjonctif ou à l’indicatif. Voir plus loin : le mode hypothétique avec « que ».
On remarque des constructions régulières où les deux marques de la négation sont éloignées l’une de l’autre :
« Ce ne sera le cas pour aucune des personnes présentes. »
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- Dans des constructions comparatives : le second élément de la structure accepte facilement le « ne » sans effet de négation :
« Il a travaillé aujourd’hui plus longtemps qu’il n’a coutume de le faire. ».
Cet ajout d’explétif est constaté habituellement dans le style littéraire et se perd dans le langage parlé. Mais on ignore l’exacte justification de cet usage. On avance parfois que la seconde proposition est une négation amorcée de la première.
Mais on peut admettre parfois qu'il y ait des mots sous-entendus, comme dans la phrase suivante (Joseph de Maistre) :
« Je n'ai rien pensé que vous ne l'ayez écrit, je n'ai rien écrit que vous ne l'ayez pensé. »
qui pourrait s'écrire : Je n'ai rien pensé d'autre que vous n'ayez pas déjà écrit, je n'ai rien écrit d'autre que vous n'ayez pas pensé avant.
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- Dans les subordonnées subjonctives non négatives, régies par un verbe principal lui-même positif, et exprimant la crainte, la peur, l’empêchement, la précaution :
« Je crains que, malgré ses grandes qualités, il n’échoue dans cette entreprise difficile. »
« Fermez la porte afin d'éviter qu'elle ne claque. »
Normalement, le sens doit affecter un fait qui n’est encore effectivement arrivé ou connu, sinon la crainte n’est plus justifiée. On a donné de cette construction des explications, plus ou moins embarrassées, plus ou moins pertinentes. Il est possible, comme on en avance souvent l’hypothèse, que l’on souhaite inconsciemment ou par réflexe, l’effet contraire : « je ne souhaite pas qu’il échoue, ou qu’il tombe... ». Mais l’emploi sur cette intuition reste très délicat.
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- Plus consistante alors est la thèse d'une correspondance à une pratique du latin, qui est la langue mère du français. Cette langue ancienne employait, en effet, une telle construction, grammaticalement régulière, avec la catégorie des verbes de crainte :
« timeo ne veniat » - « je crains qu’il ne vienne »
« cave ne cadat » - « prends garde qu’il ne tombe »
Ce qui n’empêche pas, surtout à l’oral, d'entendre cette semi-négation mal employée, par attraction certaine, avec des faits anciens ou connus, ou même avec d’autres catégories de verbes. Demeure donc la difficulté de l’emploi judicieux (et restrictif) de la semi-négation « ne ».
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- Si les locutions « de peur que », « de crainte que » suivent logiquement ce principe, il est aujourd’hui recommandé par les manuels de bon usage, de ne pas l’utiliser dans certaines subordonnées telles celles construites avec « avant que ». Si la plupart du temps, on a raison de suivre cette recommandation, on peut obéir tout aussi bien dans les cas qui le demandent au « réflexe d’appréhension » qui ne vient d'ailleurs pas alourdir l’expression :
« Nous aurons tout remis en ordre avant que le maître revienne. » (l’assurance bannit la crainte)
« Les assiégés se hâtent de renforcer les barricades avant que l’ennemi ne revienne à l’attaque. » (la hâte trahit la crainte)
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- Une autre locution à caractère hypothétique soulève le débat : « à moins que ». Les grammaires actuelles y soulignent la présence épisodique de l’adverbe explétif « ne » et s’accordent à voir l’effet d’une hypothèse avancée qui vient contrarier la première énoncée.
« Vous partirez ensemble, à moins qu’il ne soit en retard. ».
On peut y reconnaître naturellement le « symptôme d’appréhension ».
Mais, d’un autre côté, cette locution peut être ambiguë : elle joue non seulement, comme on l’a vu, le rôle d’une supposition inquiétante (où la négation est neutralisée), mais aussi d’une condition restrictive où la négation s’applique entièrement.
« Vous avez votre temps de récréation dans 5 minutes, vous pourrez sortir à moins que vous n’ayez fini les exercices. »
On peut ici, sans torsion grammaticale et en éliminant toute obscurité, employer plus clairement la négation complète « à moins que vous n'ayez pas fini ». Ce qui vient renforcer la thèse du rôle essentiel que tient le sens général donnée à la phrase plutôt que d’une simple habitude d’écriture.
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- Mais nous remarquons encore dans les constructions suivantes où on ne l’attend guère, la nuance intéressante d’« appréhension » :
« Il suffit de très peu de chose pour que cela ne se transforme en désastre. »
« Il ne peut écrire deux lignes sans qu’il ne fasse plusieurs fautes d’orthographe ! »
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- Dans la première phrase, « pour que » n’est pas une finalité (afin que) mais une conséquence possible. Dans la dernière phrase, l’ambiguïté demeure car nous pouvons dire sans changer le sens : Il ne peut écrire deux lignes sans qu’il ne fasse pas plusieurs fautes d’orthographe !
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