"En revanche, quand on dit « Monsieur, bonjour », l’inversion des mots recouvre une décision morale de grande ampleur. « Monsieur, bonjour… », autrement dit : c’est bien Lui, ce monsieur-ci, ce client-là, que vous saluez, et aucun autre. Et en Lui-même, vous saluez un Monsieur (ou une Madame), c’est-à-dire quelqu’un dont, a priori, la dignité est absolue. Le « bonjour » qui suit est littéralement secondaire, tant il y a de considération dans ce « Monsieur » liminaire. D’ailleurs, il est fréquent, lorsqu’on dit « bonjour » en second, de baisser un peu la voix (« MONSIEUR, bonjour… »), non parce qu’on a honte de dire bonjour et qu’on voudrait que l’autre ne l’entende pas, mais tout simplement parce que tout l’élan du salut a été dévoré par « Monsieur ». Toute l’énergie est partie dans l’enthousiasme d’une reconnaissance."